💩 Qu'est-ce que disent de NOUS nos contenus ?
#16 - Et on cause aussi tendances de contenus pour 2025, budget brand et rebranding, la fiction comme moteur critique, ou encore... trombones.
Vous vous souvenez des cassettes VHS de Noël ?
Mais si, celles produites dans les années 90 par les grandes surfaces pour faire la promo de tout un tas de jouets en plastoc dégueulasses ?
Ceux-là même censés définir votre identité dès le berceau - “Pour elle, une poupée qui pleure et qui fait pipi pour apprendre dès 5 ans les affres de la maternité”, ou “Pour lui, des voitures qui filent à toute allure pour titiller sa masculinité toxique en devenir”.
Quelle belle époque - et si ça ne vous dit toujours rien, je vous renvoie à cette fabuleuse vidéo du Joueur du Grenier.
Ces cassettes, a priori innocentes, portent néanmoins en elles la toute-puissance insidieuse des stéréotypes et des normes enracinées en décrétant ce qui était “acceptable” pour chaque sexe ; à travers une succession de scènes assez banales - des gamins qui s’éclatent avec des jouets - elles exposent et imposent des narratifs sur ce que signifie être un garçon ou une fille dans nos sociétés d’alors.
Autre exemple, en 2012 (une paille) : cette “mémorable” pub de la PS Vita, où la créativité de Sony a tutoyé les étoiles avec l’image d'une femme affublée de deux paires de nibards. Faut dire qu’en la matière, le jeu vidéo a un passé plutôt triste. Plutôt que de présenter du gameplay ou des fonctionnalités sympas, ces campagnes ont délibérément choisi d’instrumentaliser le corps féminin pour attirer leur public cible : les jeunes mâles ivres d’hormones.
Mais qu’est-ce que tous ces contenus disent de nous ?
Telle une photographie du ciel à un instant T, les contenus d’une époque donnée capturent les nuances et les tendances de notre société pour révéler à la fois nos aspirations, nos craintes ou nos valeurs, et ce tout en exposant les biais et les stéréotypes que nous perpétuons souvent inconsciemment.
Que dire par exemple, aujourd’hui, des hordes de selfies sur LinkedIn ? Ou, plus prosaïquement, du fatras de contenus qu’on peut manger d’ordinaire là-bas ?
À première vue, c’est comme les VHS de Noël : c’est anodin, ça ne mérite pas vraiment d’en discuter. Mais quand on gratte la surface, on tombe très vite sur les notions de validation et de succès perçu, ce qui soulève une question universelle : la faune de LinkedIn partage-t-elle ses véritables accomplissements, ou tente-t-elle de participer à un bal social où l’apparence prime sur la substance ?
Quid également du contenu sur Instagram ou ailleurs, où le quotidien est présenté sous son meilleur jour, filtré et embellit au gré des envies ?
Je m’étais noté récemment, après avoir vu je ne sais plus quel truc - “Mes enfants pourraient-ils me reconnaître dans mes contenus après ma mort ? Qu’est-ce qu’ils disent de nous ?”
Si ma fille devait se contenter de mes posts ventilés sur LinkedIn, je ne crois vraiment pas.
Aujourd'hui, la photographie de nos contenus est à la fois macro et micro ; ils jettent un sacré coup de projo sur notre obsession moderne pour l’acceptation sociale et la validation numérique. Peut-être qu’ils dévoilent un malaise existentiel où nous cherchons à être aimés et validés, tout en essayant de nous convaincre, et de convaincre les autres, que nous avons les réponses.
Comme le disait l’intelligence artificielle Morpheus dans Deus Ex :
“Les êtres humains aiment à être regardés. Le besoin d’être observé et compris était satisfait par Dieu, fut un temps. Nous pouvons à présent remplir le même rôle grâce à des algorithmes compulsant des données. Dieu et les divinités étaient des entités qui observaient, jugeaient et punissaient. Toute autre considération était secondaire. Le corps humain est idolâtre par nature. Ce furent d’abord les dieux, puis la célébrité (la contemplation et le jugement d’autrui), suivront les systèmes [informatiques] conscients de leur existence que vous avez créés pour exercer un jugement et une observation omniprésents. L’individu souhaite être jugé et contrôlé. Sans ce désir, la cohésion des groupes est impossible, sans parler des civilisations elles-mêmes.”
Et puisque aujourd’hui, la masse de nos contenus alimentent directement les systèmes d’IA, se pose une question fondamentale :
Qu’est-ce que comprennent réellement de nous ces algorithmes ?
Si vous avez un début de réponse…
🔮 Quelles tendances pour le contenu en 2025 ? Oui, déso pas déco pour ce marronnier, c’est difficile d’y réchapper. Mais pour une fois, cet article de Managing Editor ne nous bassine pas (trop) de conneries éculées comme “l’IA sera omniprésente” ou “il faut faire du contenu de qualité” ; ça cause personnalisation des contenus, contenus immersifs, ou encore risques de saturation / content shock. Hmm. Ça fait beaucoup de contenus, tout ça.
🔀 Et si publier partout n’était pas si con ? Dans cet article, Anna Burgess Yang, une rédac’, décortique sa stratégie de diffusion pour ses contenus et c’est plutôt malin : Substack pour susciter le débat via du contenu d’opinion, Ghost pour ventiler des contenus informationnels, et ConvertKit pour sa newsletter. Bel exemple d’écosystème de contenus qui fonctionnent en résonance.
🔪 L’IA va tuer les agences créa’ : billet de Gilles Prigent (CEO de Story Jungle), où l’on apprend dans la joie et la félicité que “les agences s’apprêtent à se délester de 8% de leurs effectifs d’ici à 2030 du fait de l’AI” ou encore que “la capacité à facturer la production de publicités va décliner de manière significative en raison de l'IA”. Et bonne année.
🤝 Comment le contenu se fait force de vente chez les SaaS : petit article qui ne révolutionne absolument rien, mais que je trouve particulièrement judicieux dans les exemples choisis, de la construction de la marque à l’accompagnement client tout au long de son utilisation du produit.
💸 Un budget brand, ça se ventile comment ? Post très instructif d’Amandine Peyre, head of brand chez Matera, où vous apprendrez notamment qu’elle a disposé de 170k pour 2024, que c’est ric-rac pour les besoins de la boîte, et qu’ils sont obligés de tout internaliser au max pour s’en sortir.
☠️ Les sites web sont-ils bientôt dead ? Eh bah non : selon cette étude (US / Europe), 98 % des TPE / PME prévoient que leur site web contribuera à leur chiffre d'affaires en 2024, avec 42,5% des entreprises qui font de la création de contenus leur plus gros challenge pour 2025.
🤖 On en est où avec l’IA dans le marketing B2B ? Eh bien, selon cette autre petite étude, 85 % des boîtes pensent que l'IA boostera leurs revenus, 84 % veulent encore plus d’IA l’année prochaine, et 72 % des boss demandent à leurs équipes comment ils comptent l'utiliser. Ça devient difficile d’échapper à cette hype délirante qui n’a rien à envier à celle du radium.
Ça ne fait pas très longtemps que vous vous êtes abonné·e à La Plume Déchaînée ? Alors vous avez sans doute loupé les différents articles de veille que j’ai pu distiller au fil des éditions.
Pour résoudre cet épineux problème (hein que c’est épineux ?), j’ai tout compilé dans un seul doc : La Gröss Compil', un concentré de veille sur le content marketing en 2024. Ça se télécharge par là-bas :
Vous aussi, vous vous êtes forcément fadé sur LinkedIn des analyses à trois sesterces sur le nouveau look de Jaguar ; je suis à peu près persuadé que même les singes, les dauphins et les acariens ont un avis bien tranché sur la question.
Je n’avais pas l’intention d’en remettre une couche avant de tomber sur cet article d’un designer, Himanshu Bharadwaj - “Great branding isn’t just about design. It’s about the soul” - que j’ai trouvé mieux foutu que la fange lisible ailleurs, et qui analyse ce pivot sous l’angle de la marque.
Premier constat (ou rappel) : un logo n’est pas là juste pour “faire zouli”, il est là pour ancrer un imaginaire. Le petit félin bondissant, c’était donc une promesse visuelle : puissance, mouvement, audace. Comme beaucoup d’autres logos avant lui, Jaguar se retrouve avec un truc tout lisse.
Bharadwaj constate par conséquent que Jaguar a perdu son mythe. Un logo minimaliste, c'est choupicool quand tu t'appelles Apple. Mais Jaguar, c'est tout le contraire : c'est du rugissement et du caractère. De là, il se demande pourquoi Jaguar n’a pas modernisé le félin en jouant sur son électrification, histoire même de balancer un gros feuque à Elon en mode “Regarde-moi bien bonhomme, je cours plus vite que toi et tes Tesla assemblées à l’arrache”.
Bref, selon Bharadwaj, avec ce minimalisme Apple-esque, Jaguar ne raconte ne plus rien. Et si on va plus loin, ce n’est pas qu’un problème de design.
C’est un problème de positionnement de marque.
Votre énième avis sur Jaguar ?
Dans un récent post, Camille Gillet (que je ne présente plus puisqu’elle doit se retrouver dans chacune de mes éditions, ou presque) rapportait un drama lancé, bien malgré elle, par Lorraine Vallery-Radot : vu le nombre de verres que James Bond s’enquille, il doit être alcoolo. De là, un certain nombre de commentaires pointaient du doigt que ça vaaaa, faut se déteeeendre, c’est rien qu’une fiction.
Et Camille de les démolir :
“Dire qu'il ne faut jamais interroger les récits sous prétexte qu'ils sont fictionnels, c'est dangereux en plus de témoigner d'une bêtise crasse. Oui, oui, d'une bêtise CRASSE.”
Ce avec quoi je suis d’accord, maaais j’avais envie de redévelopper un tout p’tit peu dessus (sans non plus vous tenir la guibole pendant trois plombes).
La fiction est souvent - et bizarrement - la meilleure amie de la réflexion critique (voire même d’accéder à la plus haute compréhension de la réalité, selon Chloé).
Ça fait 35 ans ou presque que je me suis enquillé tout un tas de bouquins et vus tout un tas de films, alors je peux vous assurer qu’elle permet d'explorer l'inimaginable, de nous faire vivre l’intolérable, d’éprouver l’inaccessible, et souvent, de révéler l’inacceptable.
L’idée qu’il est inutile d’interroger les récits, comme le souligne Camille, c’est ne pas reconnaître la capacité de la narration à renforcer ou à remettre en question les normes sociales, culturelles et / ou politiques, car oui, le récit peut éduquer autant qu'aveugler. La fiction, c’est d’abord un terrain expérimental où les idées sont testées, interrogées, mises à l’épreuve. La considérer comme futile, c’est surtout affaiblir notre capacité à analyser et à critiquer le monde dans lequel nous vivons.
Affaiblir cette capacité, c’est laisser carte blanche aux stéréotypes nuisibles et aux clichés simplistes ; c’est accepter des morales discutables sans même hausser un sourcil ; c’est, en définitive, se couper de notre nature la plus fondamentale : celle de l’être humain en quête de sens et de compréhension.
Vous y penserez la prochaine fois que vous verrez un James Bond au cinoche.
On reste dans le récit avec ce petit épisode de podcast : “Imaginer de nouveaux récits pour amorcer la transition écologique de la publicité”.
Alors que l’urgence climatique n’est plus à démontrer, le mantra reste le même dans nos petites sociétés de bourgeois : le bonheur, le vrai, ça passe par la (sur)consommation. Alors, comment on fait pour réinventer des récits qui n’associent plus bonheur et possession de biens ?
Ça s’écoute ici :
Il me faut remercier ici Agathe, car elle m’a parlé il y a quelques jours d’une vidéo que j’avais déjà vue à sa sortie, et que je m’étais notée pour en reparler ici éventuellement : L'horreur existentielle de l'usine à trombones.
Oui, ça parle de trombones. Mais pas que. Ça bifurque rapidement sur un terrain très intéressant.
Le seul bémol que je pourrais ajouter à cette vidéo, c’est qu’Ego, l’auteur, ne prend pas en compte les coûts énergétiques faramineux et exponentiels pour l’IA (ok, je viens de vous spoiler un peu) - mais ça ne gâche en rien la qualité de ce docu qui m’était resté quelques jours en tête à l’époque - signe irréfutable que parfois, sur YouTube, on trouve quand même de l’excellente came.
🚫 La foire à la fake news : Grok 2, l’IA d’Elon, génère des images de personnalités ou de célébrités dans des situations pas fifou sans sourciller, au contraire des outils d’OpenAI, de Google ou de Midjourney. Ça va être sympa les prochaines années, je le sens.
🔪 La saignée de Twitter continue : 25 millions d’utilisateurs pour Bluesky. Pas mal. À ce propos, Mediapart se barre aussi de Twitter.
⚰️ Chaque jour qui passe nous rapproche de la Dead Internet theory : il est maintenant possible d’utiliser l’IA pour répondre aux commentaires de ses vidéos sur YouTube, et c’est évidemment un carnage.
📹 OpenAI. STOP. Sora-ya. STOP. Bâtonnets de poisson. STOP.
🤖 L’IA en perte de vitesse ? Sundar Pichai, le CEO de Google, n’est pas aussi enthousiaste que Sam Altman et pense que les progrès de l’IA vont ralentir : “la pente est plus raide”, qu’il dit. Certes, possible que les investisseurs vont commencer à sérieusement s’impatienter après des milliards de cash cramés sans aucune renta’.
🧟 “Iä! Iä! Cthulhu fhtagn!” : Numerama revient sur la nécromancie numérique, aka des entreprises qui cherchent à se faire un max de thunes en recréant des avatars IA de vos proches décédés.
🫠 Comment que vous avez trouvé cette édition ?
Vous pouvez m'aider à le savoir en likant l’édition (ou pas) ci-dessous, voire en laissant un commentaire salé comme la Mer Morte.
Si ça vous a botté, vous pouvez aider cette noble missive à se tailler une réputation par-delà les mers de Substack :
🎄 Je n’ai plus qu’à vous souhaiter de belles fêtes, tout ça tout ça, et on se retrouve rapidos en janvier. Doux baisers !
Oui, je me souviens parfaitement de ces K7, d'autant que quand Grenier en avait parlé, il avait montré des rush de celle que j'avais moi-même à la maison et ça m'a fait tout drôle de retrouver ça :o
En un sens, elles préfiguraient les contenus Youtube où on voit des gosses jouer avec des produits en opération commerciale !
“Mes enfants pourraient-ils me reconnaître dans mes contenus après ma mort ? Qu’est-ce qu’ils disent de nous ?”
Wow, une question hyper intéressante... ! Bizarrement, la réponse est oui. Et bizarrement, il lèverait les yeux au ciel en pensant que je suis obsédée par les mêmes sujets... Quand je lui ai appris la notion de packaging, je lui ai fait un rapide cour, à tel point que je savais l'avoir surchargé (comme à chaque fois que je donne une explication ^^'). Mais il m'a ressorti le mot dans un contexte pertinent, et devant ma mine stupéfaite a ajouté "Ben oui, j'écoute, hein...". Pas hâte qu'il soit ado, celui-là x'D
Ta citation de Deus Ex est fascinante (je n'y ai pas vraiment joué, j'étais dans ma période "marre des AC like"), et me fait penser à une idée de nouvelle que j'avais eue où les humains avaient divinisé l'IA, neutre, impartiale, absolue, et lui laissaient le loisir de tout décider. Et tu sais quoi... ? Je crois bien qu'on va y arriver. Parce que oui, l'être humain a beaucoup de mal à devenir autonome (au sens strict) et semble rechercher perpétuellement son papa. Pourrait-on se passer d'un fonctionnement vertical ? Quand tu vois le retour des religions, des idéologies extrémistes ou encore des recherches de sens dans les entrailles de pierres d'arbre, j'en doute de plus en plus. Et c'est fascinant.
Intéressant qu'Anna Burgess Yang utilise Substack avant tout comme un réseau social. J'en vois de plus en plus faire ça, je me demande si je ne vais pas moi-même tester.
Rien à ajouter sur ton propos sur les fictions. Je reste stupéfaite qu'il faille encore rappeler l'évidence.
Concernant l'IA et son ralentissement, je ne suis pas certaine que ça ralentisse vraiment. Je dis ça à cause des dingueries faites par google côté quantique. En revanche, le fait que l'IA remplace de plus en plus d'ouvrier et salariés va mettre un méga frein aux états (perte de cotisation, notamment). Et ça, personne ne parle de ce futur cataclysme. Ca va nous faire drôle de revenir au 19e, la classe vestimentaire en moins.
Passe d'excellentes fêtes !
L’apparence prime sur la substance? Ces deux notions auraient-elles remplacé l’essence et l’existence?
Sur les trombones, sans mon premier poste rue de Rivoli (j’ai connu les ors du Louvre, moi mossieu, même que, comme j’étais cadre de catégorie A, je ne devais pas signer les feuilles d’émargement, mon très grand bureau, certes partagé, mais avec deux pairs, se situant côté cour du ministre donc noble et non côté rue comme la plèbe, et j’avais accès à un pool de secrétaires, qui se taisaient toutes quand je rentrais, un peu comme quand le personnage de Sigourney Weaver arrive au taff avec sa veste épaulée, 80’s obligent, dans Working girl) sur les trombones donc - j’ai trop lu Proust - le chef de cabinet de Edouard Balladur, ministre d’Etat, ministre de l’Economie, des Finances et de la Privatisation, avait pondu une note sur les trombones avec de mémoire un plan en deux parties, comme font les sciences poseux:
1- nature du trombone (plastique plutôt que metal afin de ne pas endommager le papier, d’un grammage et d’une qualité particuliers;
2- emplacement du trombone: en haut au milieu, tout l’art d’une présentation d’un parapheur consistant à organiser un dégradé des trombones.