☠️ Le monde post-vérité : des contenus au service de la haine
#18 - Et on cause aussi méga étude 2024 sur les tendances en content marketing, étude EdTech, ou encore vide généré par IA.
Well, well, well. Dire que 2025 commence sur les chapeaux de roue est un fort doux euphémisme.
La semaine suivant l’investiture de Donald Trump pourrait d’ailleurs être un résumé dystopique d’une série Netflix : entre son discours lunaire, le sieg heil d’Elon devant une foule en délire ou les premières déportations de migrants, je suis à deux doigts de me dire que notre timeline n’a rien à envier à celle de Cyberpunk 2077.
Mais au-delà de la sidération et du spectacle glaçant, ces premiers jours cisèlent surtout les contours d’une présidence où réseaux sociaux et contenus (dés)informationnels deviennent les pièces maîtresses d’une machine infernale bien huilée.
Et elle n’est pas apparue par hasard : c’est le fruit d’années de préparation méthodique - au moins depuis les années 80 pour le parti républicain, puis une grosse accélération en 2016 avec la première élection de Trump, où la désinformation est utilisée comme une arme pour "polariser les débats" et "renforcer l’autorité" du camp trumpiste. Et attention : on ne parle pas de trolls isolés mais d’un écosystème entier qui mobilise algorithmes, influenceurs et campagnes ciblées pour modeler l’opinion publique.
"Les réseaux sociaux se sont transformés en de véritables catalyseurs de haine, amplifiant des contenus dégradants et des campagnes de désinformation ciblées" rapporte ainsi l’AFP dans une analyse récente.
Ailleurs, Harvard Misinformation Review souligne que "les plateformes sociales sont devenues des champs de bataille où la désinformation est déployée pour affaiblir les opposants".
Parmi les victimes emblématiques de cette guerre narrative, Kamala Harris occupe une place de choix puisque, depuis sa campagne contre Trump, elle est la cible d’un flot incessant de memes sexistes, d’attaques racistes et de fausses vidéos générées par IA - bref, d’un gloubi-boulga de contenus qui s’inscrivent dans une tentative plus large de discréditer les figures de pouvoir opposées à Trump pour mieux transformer la démocratie américaine (quand ce ne sont pas les autres).
Cette flambée des discours de haine qui ferait passer les incendies de Los Angeles pour un feu de paille trouve une belle caisse de résonance sur X, où la modération a été largement affaiblie, pour ne pas dire réduite à néant. Herr Musk, en soutien explicite - et décomplexé - à cette “libération de la parole”, a personnellement relayé de l’intox et des contenus manipulés, et ça sans compter sur le soutien de son algo pour le mettre en tête d’affiche.
En réduisant les barrières contre les discours extrêmes, X et compagnie ont créé un écosystème où les narratifs haineux prolifèrent sans entrave ; cette dynamique contribue à élargir leur influence bien au-delà de leurs cercles initiaux et normalisent des idées auparavant marginales dans l’espace public global (la fameuse fenêtre d’Overton, qui n’est actuellement plus qu’un cratère béant). Désinformation, biais idéologiques et appels à la violence sont devenus tristement banals, et même des outils de mobilisation politique à grande échelle.
Une analyse de l’Université George Washington souligne que cette vague de désinformation pourrait saper durablement les institutions démocratiques. Quelle surprise.
Tout ça c’est cool, mais qu’est-ce qu’on fait ?
Peut-être reconnaître d’abord que nous vivons une bataille culturelle et narrative majeure : "Les réseaux sociaux sont devenus des champs de bataille où se joue rien de moins que l’avenir de nos démocraties" souligne l’article précédemment linké de La Vie des Idées.
Plus largement, et dans un post LinkedIn récent, Pascal Beria (un compte à suivre, sachez-le) observe quant à lui que “La tech' […] porte en elle, nativement, dans ses mots, les germes de la violence. Sa prétention à gérer la complexité à grand coups de ruptures ou d’algorithmes mystérieux n’a bien souvent abouti qu’à une simplification des sujets et une complexification des manières d’y remédier”.
L’espace public numérique est-il condamné à devenir un Verdun où désinformation et contenus haineux transforment la “vérité” en confettis ?
Je vous laisse y répondre.
L'année dernière, le content marketing a pris une gifle monumentale.
Entre budgets tendax & faire plus avec moins, l'explosion des formats, la sécheresse créative, la tech inutile ou le rouleau-compresseur IA, c'était chaud cacao de suivre tous ces sujets.
Récemment, j'me suis dit : "tiens, ce serait rigolo de faire une méga compil' de toutes les études dont j’ai parlées ici pour sortir les chiffres les plus intéressants, comme quand je faisais de la littérature comparée pendant mon année de licence".
Eh bien, ce que révèle cette analyse croisée, c'est que jouer petit bras n'est plus une option ; le contenu est plus que jamais un levier stratégique, et je pense que cette compil' vous donnera quelques insights pour aborder l'exo plus sereinement (ou pas).
À télécharger ici :
Vous l’avez peut-être loupée, mais Louis Pruvost a sorti une méga étude sur les stratégies de content marketing qui cartonnent dans le secteur de l’EdTech.
Sans (trop) de surprise, on retrouve les principaux pain points habituels : l’adoption de l'IA, les difficultés à structurer ses contenus, ou encore la multiplication des plateformes de com’ et des points de contact.
Parmi les insights qui m’ont interpellé :
80 % des entreprises interrogées considèrent LinkedIn comme un canal clé pour engager des audiences et générer des leads. Cette dépendance soulève différents problèmes que je ne vais pas détailler ici, puisque Louis l’a déjà fait dans un autre post.
L’étude souligne que 65 % des entreprises investissent dans le SEO (pièce maîtresse pour maximiser leur acquisition). Pourtant, à la lecture, j’ai eu la désagréable impression qu’il s’agissait souvent d’une gestion assez superficielle de ce levier, aka la production d’articles optimisés sans forcément penser à une architecture plus poussée (mais peut-être me trompe-je, ces points n’étaient pas abordés en détail).
45 % des entreprises plébiscitent les formats interactifs, notamment les webinaires, et même remarque que pour le SEO : on a l’impression que leur potentiel est souvent bridé par une approche trop classique (passive, dirais-je), avec une mise en œuvre entravée par des contraintes internes, comme le manque de temps ou de ressources.
Et ce disant, on remarquera que ces observations sont totalement adressables à l’ensemble des secteurs en B2B.
En 1553, Nostradamus écrivait : “En l’an deux mil vingt et cinq, la Machine sans âme surgira, promettant moult merveilles aux faiseurs de parchemins. Plume infatigable elle sera, mais sous son verbe abondant, le néant croîtra. Car sans l’esprit de l’Homme, nul contenu n’a valeur ni destin”.
Le bouriquet n’avait point tort, puisque l’on apprend dans cet article de Content Marketing Institute que 65 % des contenus produits restent inutilisés faute de pertinence ou de stratégie. Je résume : les entreprises génèrent du contenu en masse pour ne rien en faire.
Pire, cette surproduction accentue les silos, puisque les équipes contournent l’IA (elles jugent son contenu hors-sujet) pendant que la direction accumule des flots de datas inutilisables.
Comme le dirait cet article de Content Science Review, “There’s a real danger of systematizing the discrimination we have in society [through AI technologies]” : oui, l’IA ne fait que refléter nos biais structurels lorsqu’elle est mal encadrée, et ça soulève de belles questions sur la responsabilité des entreprises dans la gestion de ces technologies.
Chaque jour que les dieux (numériques) font rapprochent l’humanité de son rêve ultime : ne plus avoir à réfléchir du tout.
À commencer par Spines, déterminé à troquer l’effort intellectuel contre une production industrielle de soupe : cette brillante startup prévoit en effet de cracher 8000 livres par an grâce à l’IA. Oui, 8000. Pas comme si on était déjà en surproduction littéraire, mais bon.
Pendant que Spines réinvente la littérature, Dotdash Meredith, un géant des médias aux states - rien de moins que “le plus grand éditeur numérique et imprimé”, vire 143 employés après avoir conclu un partenariat avec OpenAI, soit 4 % de ses effectifs (une paille dirons les plus cyniques). L’objet du partenariat ? Classique : 16 millions de dol’s annuels pour Dotdash, en contrepartie de quoi OpenAI siphonne ses contenus pour nourrir ses propres modèles.
Quant à Altman et Herr Musk, les deux zouaves jouent à leur propre version de la guerre des étoiles avec un projet à 500 milliards de dollars, Stargate, et on parle pas ici de démonter des Goa'ulds, mais plutôt de propulser et de maintenir les Iounatides Staytse comme leader incontesté de l'IA avant la Chine. Cela dit, ça risque d’être mal barré avec l’arrivée en fanfare de DeepSeek. Alors, la bubulle va-t-elle éclater ?
🫠 Comment que vous avez trouvé cette édition ?
Vous pouvez m'aider à le savoir en likant l’édition (ou pas) ci-dessous, voire en laissant un commentaire salé comme la Mer Morte.
Si ça vous a botté, vous pouvez aider cette noble missive à se tailler une réputation par-delà les mers de Substack :
À ma petite échelle, je suis plume et stratège éditoriale, je vérifie sur le terrain les tendances évoquées dont
- l’approche SEO sans queue ni tête (je récupère des clients essorés financièrement par des consultants qui font encore du quasi bourrage de mots clés ; résultat du trafic oui mais un taux de rebond qui explose🙄)
- la production de masse qui ne sert à rien. J’essaye de mon côté de faire entendre dans mes missions le concept de sobriété éditoriale. Ce n’est pas gagné, la sacro sainte réplique « oui, mais nos concurrents… » m’est souvent servie ! Merci donc de vos références chiffrées elles me serviront à apporter de l’eau à mon moulin 👌🏻
Je suis content strategist (et manager) en plus d'être consultante SEO, le tout en freelance, et je ne peux que dire "Amen" à tout ce que tu as écrit ici.
Quand tu dis que "les entreprises génèrent du contenu en masse pour ne rien en faire", c'est une problématique à laquelle je dois faire face tous les putains de jours (désolée, ça me met sur les nerfs). J'ai d'ailleurs eu une réunion houleuse à ce sujet hier avec l'un de mes clients, car ils s'imaginent qu'il suffit que mon équipe et moi leur pondions des cocons et des articles de blog à gogo pour convertir et atteindre les objectifs de leur ROI.
SAUF QUE, malheureusement, ils n'ont aucune stratégie derrière, ni webinaires, ni ressources gratuites, ni CTA, ni même newsletter. Les sites sont vides, il n'y a que notre contenu. On est la première et la dernière phase du tunnel en somme. Donc non, ça ne peut pas convertir, et je me tue à leur dire. Ils attendent des miracles qu'on ne peut pas faire (surtout sur un marché ultra-concurrentiel).
Pareil pour une autre cliente qui me colle des articles IA sans profondeur dans les pattes, en m'obligeant à trouver des créneaux pour les publier parce que "ça vient d'experts en interne", et qui s'étonne après qu'ils ne performent pas (alors qu'ils ne sont pas optimisés et n'apportent aucune valeur ajoutée, rien du tout).
Je vais m'arrêter là, car la moutarde me monte au nez (et c'est carrément le pot entier). Merci pour la ressource !